Au coeur de la mort et de l’espoir

Toute personne qui pratique régulièrement la marche sait que le véritable plaisir de cette activité n’est pas dans l’atteinte d’une destination mais bien dans le cheminement en lui-même. Il en va de même du voyage. Le parcours est en soi la source de l’allégresse.

 

Qu’en est-il de la vie, ce grand voyage?

 

Rien de différent, cela procède de la même mécanique. L’atteinte du but n’est pas l’étincelle qui allume l’existence. Ce brasier s’enflamme dans le mouvement. La sensation de bien-être ne peut se retrouver que dans l’action, qu’elle soit orientée ou non vers une direction précise. La sensation de bien-être  s’éveille  dans une suite incessante de luttes, d’épuisement, d’excitation, de fébrilité, de découragement, d’ennui et d’espoir.

C’est dans cette dynamique que la vie s’anime de milliers d’éclaircis qui dissipent les brumes de  la mort.

 

Au cœur de cette quête se trouve la voracité naturelle de trouver mieux, d’être mieux. Recherche appuyée essentiellement sur l’espoir, qui seul peut nourrir cet insatiable appétit de changement.

 

Par contre, cette articulation d’action, de recherche et d’espoir, pose avec acuité la dimension fini de l’existence, elle met à l’avant scène de nos préoccupations la question de la mort et de la limite temporelle qu’elle met à l’espoir. Vivre en mouvement,  porté par l’espoir, suppose une durée dans le temps. Pourtant, la fin nous attend, quelque part dans un horizon délibérément obscurci. S’il est un aspect de la vie sur lequel nous étendons un drap de déni, c’est bien cette limite. D’ailleurs, pourquoi placer avec une telle obstination ce flou phénoménologique sur ce destin incontournable ? Pourquoi la perspective de notre propre mort n’est-elle pas constamment présente à notre conscience ?

Il semble que l’espoir soit plus fort que la conscience de notre propre fin. Ou peut-être que la force aveugle de l’espoir prend sa source dans la finitude de notre existence ? Notre fin crée l’espoir, et l’espoir tente d’annihiler la conscience de notre fin. Une dialectique  paradoxale d’où émerge la nécessité du cheminement plutôt que de la destination.

 

Comment arriver à vivre avec la conscience de sa mort certaine,  tout en vibrant du dynamisme de l’espoir? Est-il envisageable d’affronter l’angoisse de notre propre fin tout en demeurant complètement engagé dans notre voracité à vivre ? Voilà quelques questions qui peuvent assaillir l’être humain qui arrive à l’âge de la vie où l’horizon du temps qui reste à vivre est probablement moins élevé que le nombre d’année écoulé.

 

Pour ma part, la satisfaction d’une vie bien remplie est le seul contrepoids  à ma portée. Ressentir très profondément tout le plaisir de ce que j’ai construit; enfants, relation amoureuse, carrière etc… Savourer le sentiment de laisser derrière moi un peu de ma couleur personnelle. Voilà, la seule façon d’accepter ma mort sans déni ni angoisse. Je peux ainsi dénouer mon paradoxe et contempler ma propre fin tout en continuant de m’enthousiasmer de la parcelle de temps qui m’a été impartie.

1 Comment
  • Angelle Olivier
    Posted at 01:40h, 05 novembre Répondre

    Texte émouvant!

Post A Comment