Le non-objet

Une anecdote…

Comme à chaque fois que je débute un projet de sculpture pour être présenté dans le cadre d’une institution d’art, je plonge en moi-même, je descends dans le noir et j’attends l’émergence des images ou des idées.

Un jour, je suis resté collé à rien. Aucun objet.

Soudain, j’ai compris que pas d’objet, c’est aussi un objet, un non-objet.

Alors, rassuré, il m’est venu l’idée de voir le monde du point de vue du non-objet.

Or, la première chose que je perçue était son inquiétude vis-à-vis la pertinence d’être présenté comme un non-objet. Ainsi, la création d’un non-objet mettait en relief l’acceptabilité de ne proposer aucun objet.

À partir de cela j’ai saisi que le non-objet me parlait du contexte. En fait, il me parlait de son socle. Le socle qui fait passer un objet de la réalité à un statut d’œuvre d’art.

Son socle était donc l’Institution d’art dans lequel il est exposé. C’est le socle qui juge de sa pertinence comme proposition artistique

Le non-objet m’a proposé une vision de cette Institution.

Le non-objet me parlait des exigences de l’Institution artistique.

La première : l’exigence de produire un objet à exposer pour être jugé. Pas un non-objet.

La deuxième : l’exigence de produire un discours.

C’est par le jugement de l’Institution sur l’objet et le discours que le non objet allait posséder un socle.

Le non-objet me parlait donc des normes, des valeurs et de la volonté de l’Institution d’art.

En fait, par son hésitation à être créé, le non-objet me parlait de la nature normalisatrice de l’Institution et du conformisme de ceux qui la composent.

L’élite artistique!

Comme eux j’ai réussi dans un système qui récompense la capacité d’être conforme.

En premier lieu à l’école, car, réussir dans un monde académique, c’est apprendre le plus exactement possible ce que quelqu’un t’explique et le régurgiter le plus fidèlement possible dans le cadre d’un processus d’évaluation.

Ainsi, comme eux, je suis devenu spécialiste de l’objet qui plaît le plus aux maîtres.

Comme eux, je suis devenu un rouage de cette machine à créer la conformité.

Une Institution qui prêche la créativité, l’innovation et la singularité alors qu’elle est la championne du conformisme et de la normalisation

Alors, peut-être que le non-objet me parlait d’illusion ?

Je pense aujourd’hui que le non-objet questionne la compétence du monde artistique à créer de la non-création.

Alors, pour ma part, comme étudiant artiste, le non-objet m’a posé cette question :

Est-ce que par l’art, je peux créer des fenêtres pour mieux voir les illusions qui me construisent ?

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